Essai n°1 : Souvenir de l'Eldorado

Publié le par mleg

« Il y avait deux grands moutons rouges sellés et bridés pour leur
servir de monture quand ils   auraient franchi les montagnes ».
                                                                               Candide, Voltaire

« Il y a longtemps, Tom, on entendait parfois parler d’un lieu où la Terre toucherait le ciel...
   Moi, j’ai vu ces rivages, ces plages inondées de soleil, où la mélancolie s’assoit à vos côtés et vous parle comme une vieille amie, chassant l’amertume et vous murmurant les sons, vous inspirant les rythmes d’une poésie divine.

    J’ai vu aussi ces femmes : les plus belles ! Les plus belles ! Là-bas, la féminité ne connaît pas de sublimation comme ici. On croit saisir, avant, des mots tels que volupté, lubricité ; dangereuse prétention en vérité. La découverte soudaine du véritable plaisir charnel est un naufrage, Tom, sur ces terres où vivre est comme se complaire dans l’exaltation perpétuelle des sens, et s’y noyer.

    S’y noyer, parce qu’on ne regarde jamais vraiment la mer. N’oublie jamais ça. L’habitude est le pire ennemi de l’homme, et en ce lieu sans nom, où se confond plus qu'ailleurs rêve et réalité, on passe sans vivre. »

    La voix se tut. Le bébé, couché dans son lit à barreaux, plongea son regard dans les yeux de son grand-père. A cet instant, le vieillard su que le message était passé. Ces mots, pour l’instant vides de sens, lui reviendraient probablement dans dix ans, dans vingt ans, peut-être jamais consciemment, mais peu importe : il avait compris.

    Ainsi, le vieil homme se leva, péniblement, et tituba jusqu’à son lit. Là, la nostalgie céda peu à peu la place au sommeil. Il s’endormit, lentement... et ne se réveilla pas.

 
   

Publié dans Expression libre

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